Requiem :
Chevalier vampire #4
Le Bal des vampires
Mills/Ledroit
[Nickel]
On connait Olivier Ledroit et Pat Mills pour leur travail sur l'excellente série "Sha". Avec "Requiem : Chevalier vampire", ils ont carrément réinventé l'enfer. Et ils l'ont construit avec une cohérence implacable : ils en définissent avec précision ses règles, sa logique, nous en expliquent son fonctionnement, sa hiérarchie, nous présentent dans le détail ses différents protagonistes, ses castes... Ils ont pour cela repris absolument tous les éléments de l'enfer tels qu'ils apparaissent dans l'imaginaire fantastique et horrifique. On ne peut que s'incliner devant une telle exhaustivité : goules, vampires, loups-garous, dragons, ou fantômes côtoient Dracula, Attila, Caligula, Elisabeth Bathory, Aleister Crowley, Hitler (en guest), dans un univers peuplé de pentagrammes, croix retournées, runes... Le dessin baigne dans une ambiance sanglante, le rouge est omniprésent, les chairs à nue. "Requiem" se place visuellement entre un "Hellraiser" gothique et un clip destroy de Marilyn Manson. Le trait de Ledroit est maîtrisé et il parvient parfaitement à mettre en scène cet enfer. Le plus impressionnant est peut-être que l'on a le plus souvent le sentiment de découvrir une série d'illustrations très travaillées, plutôt qu'une bande dessinée classique, car le travail sur chaque dessin est toujours appliqué, extrêmement fouillé, dans le détail comme dans les vues d'ensemble. S'il y a deux constantes, ce sont la couleur (rouge donc), et la richesse de chaque case. Feuilletez cet album, vous aurez un sentiment d'abondance, presque de lourdeur, tant le dessin est chargé. Mais tout le talent de Ledroit est que cela sert idéalement l'ambiance. Et lorsque le scénario fait occasionnellement du surplace, Ledroit fait dans la surenchère et en profite pour enrichir le bestiaire de nouvelles monstruosités.
Les auteurs ne sont pas avares en violence, elle est omniprésente, et ils ont décidé de n'omettre aucun cliché dont est constitué le genre. Ça torture, ça empale, ça bastonne, ça saigne... Et on s'en délecte d'une façon névrotique. Ledroit et Mills sont deux psychopathes, et tout ça fonctionne plutôt bien. On suit Heinrich, un ex soldat nazi qui après son décés pendant la guerre devient un Chevalier Vampire dans un monde de chaos nommé "Résurrection". Et, alors qu'à l'issue du troisième tome se tramaient un conflit cosmique et un complot au terme duquel Dracula (le maître des lieux), risquait d'être destitué, "Le Bal des vampires" démarre sur les retrouvailles entre Heinrich et Rebecca (sa maîtresse, juive, morte dans les camps). Les deux amants sont de nouveau réunis mais une fois encore tout les sépare... On est toujours dans la démesure, tant au niveau de l'évolution de l'histoire que dans la folie des dessins (qui pour la première fois sont moins sombres, et c'est une bonne chose), mais l'on se délecte toujours autant à suivre les délires des deux auteurs pour une des séries des plus clichées mais aussi des plus allumées que l'on n’ait jamais lu.
Christophe Labussière