Animal'z
Enki Bilal
[Casterman]
La sortie d'un nouvel album de Enkil Bilal est, en France, un événement de taille dans le monde de la bande dessinée, à tel point qu'il éclabousse parfois aussi celui, plus conventionnel, du livre en général. Car Bilal est bizarrement devenu un auteur à part entière au fil du temps, statut que ne partagent pas beaucoup de ses pairs du neuvième art, au mieux considérés comme des dessinateurs de talent reconnus. Et c'est au sujet préoccupant de l'environnement et de la sauvegarde de la planète qu'il s'est attaqué avec "Animal'z", œuvre sans suite, histoire complète en un seul tome, comme il n'en avait plus fait depuis plus de vingt ans, depuis que les sagas "Nikopol" et "Le Monstre" accaparent toute son énergie créatrice. Et si l'auteur, donc, a imaginé un monde à la dérive où le bien le plus précieux n'est plus un métal ridicule dont notre monde est aujourd'hui si friand, mais l'eau douce devenue rarissime sur une planète terre saccagée sans plus aucun repère géographique, le choix d'Enki Bilal, le dessinateur cette fois, laisse cependant perplexe. En effet, ces bleus, rouges, et verts si particuliers dont regorgent d'ordinaire ses albums, sont cruellement absents ici. Car oui, "Animal'z" est l'œuvre la plus difficile d'accès de son géniteur depuis le conceptuel "Bleu Sang" paru en 1994, principalement de par son aspect revêche et par manque de couleurs : du noir et blanc ou au mieux des gris. Le statut d'aficionado ne suffira pas au lecteur pour entrer dans cette histoire triple (comme toujours) qui finit par n'en former qu'une. Trois groupes d'individus à la recherche d'un même eldorado pour y mourir, pour y renaître, ou pour le fuir. Il ne faudra donc pour une fois pas attendre de longues années pour connaître la fin d' "Animal'z", mais il faut reconnaître que celle, en queue de poisson, qu'a imaginée son scénariste nous laisse pour une fois un peu sur notre faim.
Bertrand Hamonou